Le couvent des Cordeliers fondé au XIIIe siècle est l’un des rares édifices franciscains médiévaux conservés en France. Malgré une histoire mouvementée, il subsiste des éléments architecturaux remarquables.
Un ordre religieux est un ensemble de personnes liées par des vœux solennels sous l’observance d’une règle. Dans le christianisme romain et occidental, les ordres religieux représentent une tradition forte qui se développe en Orient dès le IVe siècle sous la forme du monachisme érémitique et cénobitique.
En Occident, le monachisme de type bénédictin apparaît dès le VIe siècle.
Fondé par Saint François d’Assise vers 1210, cet ordre mendiant se consacre à l’évangélisation des nouvelles populations citadines. Les Franciscains (aussi appelés Cordeliers) prêchent la pénitence, vivent de leur travail et d’aumônes. Au XIIIe siècle, l’Église, influencée par le savoir monastique, considère les Écritures comme un ensemble de textes si riche en symboles que seuls les clercs formés peuvent en maîtriser le sens caché. Novateur, Saint François refuse cette interprétation allégorique et veut imiter la vie du Christ. Confiants dans la générosité publique pour subvenir à leurs besoins quotidiens, les Franciscains s’installent dans les villes alors en plein essor.
La règle de l’Ordre des Frères mineurs est promulguée en 1223 par le pape Honorius III. Contrairement aux moines, ces frères ne vivent pas dans la solitude. Ils offrent l’hospitalité gratuite aux voyageurs ou aux démunis et distribuent l’aumône à la porte de leur couvent.
© Département de la Loire - Vincent Poillet
Au XIIIe siècle, Charlieu est une cité prospère grâce au grand commerce. Elle bénéficie d’une situation favorable, à la croisée de deux routes très fréquentées : le « grand chemin » de Paris à Lyon et l’axe Saône-Loire. Vers 1250, les bourgeois sont en conflit avec les Bénédictins. C’est dans ce contexte délicat que les Franciscains arrivent à Charlieu. Vers 1255, le pape Alexandre IV les autorise à créer un couvent dans la ville. Les bourgeois en sont probablement à l’origine, désireux de faire pression sur les Bénédictins en accueillant une congrégation concurrente.
Les moines bénédictins, seigneurs du lieu, rejettent aussitôt ce projet. Charlieu est interdit aux Franciscains qui s’installent vers 1260 un peu plus loin, au lieu-dit La Cordelière (Saint-Denis-de-Cabanne).
Les moines de l’abbaye les chassent et détruisent leur campement. En réponse à cette attaque, l’abbé de Cluny est excommunié. Par le concordat de Cluny du 14 mai 1280, le pape Nicolas III contraint les Bénédictins à accepter l’installation des Franciscains. La condition principale est la suivante : les Bénédictins autorisent les Franciscains à s’établir sur les terres du prieuré de Charlieu, mais hors de la paroisse de Charlieu. Les Cordeliers se fixent donc sur la paroisse de Saint-Nizier-sous-Charlieu et s’engagent dans la construction du couvent.
Lors des trêves de la guerre de Cent Ans (1337-1453), des bandes de mercenaires démobilisés, les « Tard-Venus », ravagent le pays. Suite au traité de paix de Brétigny (1360), ils attaquent Charlieu en janvier 1362. Si la ville parvient à les repousser, la quasi-totalité du couvent des Cordeliers est détruit.
Après la destruction du couvent en 1362, les Franciscains profitent du retour au calme et des dons qui affluent pour le reconstruire. Vers 1390, Hugues de Châtelus, seigneur de Châteaumorand, devient le principal bienfaiteur en finançant les trois quarts du nouveau cloître. L’église est également rebâtie de façon simple et austère. La nef unique est vaste, conçue pour accueillir un quartier entier de la ville.
À la fin du XVIe siècle, la violence des guerres de Religion touche Charlieu qui est plusieurs fois menacée, assiégée, pillée. Sans protection, le couvent est déserté par les Cordeliers.
Après les guerres de Religion, la situation financière des Cordeliers s’améliore, leur activité religieuse finançant leur vie communautaire. Ils contribuent à la vie spirituelle des paroisses et figurent au premier rang des processions de la ville, après les Bénédictins.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les relations entre les deux communautés religieuses sont excellentes.
En février 1790, le comité ecclésiastique de l’Assemblée constituante vote la fin des congrégations religieuses : il faut faire un choix entre la vie en communauté ou le retour à la vie civile. Déjà âgés, les trois Cordeliers vivant encore au couvent, Claude Sichet, François Huguenin et Michel Janin, refusent la Constitution civile du clergé. Ils demeurent au couvent tandis que les terres et les bâtiments sont vendus en 1791. En 1792, la municipalité décide de les expulser ; ils quittent Charlieu sans laisser de traces.
Après leur départ, les bâtiments sont désaffectés ou détruits. Dans l’église, pour aménager une grange, on abat le jubé. Les chapelles du sud de l’église et les autres parties du couvent sont transformées en habitations.
En 1910, le propriétaire, Ferdinand Dolliat, vend le terrain du cloître à Jacques Seligmann, influent antiquaire parisien à la clientèle prestigieuse. Les matériaux sont rapidement cédés à de riches Américains qui veulent en orner leur court de tennis en Californie. Lorsque le scandale éclate dans la presse, deux galeries du cloître ont déjà été démontées et mises en caisses. L’intervention de la Société des Amis des Arts de Charlieu (fondée en 1908), de personnalités régionales et d’hommes politiques influents sauvent le cloître. Le 19 novembre 1910, le ministère des Beaux-Arts l’inscrit d’office aux Monuments historiques, puis l’expropriation est prononcée. Le cloître est remonté avant la Première Guerre Mondiale.
Le couvent des Cordeliers est valorisé par la Société des Amis des Arts jusqu’en 2010. Il est aujourd’hui la propriété du Département de la Loire, qui en assure la gestion et la conservation.